Je sais que de nombreuses personnes n'apprécient pas Mylène Farmer, je dois dire, qu'actuellement, je ne peux absolument pas défendre ses actuelles oeuvres.

Malgré tout, je souhaiterais juste dire quelques mots à son sujet...

Il est 3h24 du matin, et je n'ai aucune envie de prendre le chemin de mon lit, donc qu'importe, je continue de faire couler mes doigts le long du clavier, espérant que la fatigue me gagne à un quelconque moment.

La première fois que j'ai écouté une musique d'elle, c'était en 1995, j'avais 9 ans, impressionnée par la tenue qu'elle portait sur l'album qu'elle venait de sortir, et principalement les chaussures, des chaussures de pute, il n'y a pas d'autre expression plus adaptée que celle que ma mère a toujours utilisé, elle désignait aussi mes goûts pour les talons hauts et provocants que j'ai eu depuis mon plus jeune âge.

Bref, j'adorais les chaussures de verre qu'elle portait, attifée d'un bout de rien du tout, sur un fond blanc. J'étais hypnotisée par cette semi nudité qui ne me choquait en rien, et qui me faisait plus rêver qu'autre chose.

Des mots... Ainsi soit je...

Certes l'époque était différente, mais j'ai toujours aimé la provocation.

Je me souviens d'un trajet pour les vacances, avec ma mère, mon frère et mon beau-père qui avait eu la merveilleuse idée (atroce aux yeux des autres) d'acheter son album, et je passais mon temps à harceler toute la voiture pour passer en boucle ce dernier.

Vous me direz sans doute que c'est mieux que Henri Dès, mais j'aurais de toutes manières été trop vieilles et mes musiques qui ont bercé ma jeunesse étaient autres, vous pouvez y inclure dans la voiture de Papy, les cassettes des musiques de sa jeunesse, que je connaissais par coeur, là encore des paroles qui n'étaient sans doute pas forcément très adaptées à une enfant, mais au final qu'importe, je n'en comprenais pas le sens, et seules les voix et les mots me plaisaient, la sonorité des mots, pas leur sens. Je me plaisais donc à chanter Mon Légionnaire, d'Edith Piaf, à 6 ans, ou encore Prosper (qui je dois le rappeler parle d'un proxénète), et autres musiques des temps anciens.

Je les écoute encore parfois avec le coeur qui se sert, ne sachant pas ce que sont devenues ces cassettes que je chérissais tant.

Je peux l'avouer sans honte, mon enfance n'a pas été réellement en phase avec celle des autres enfants de ma génération. Qu'importe, j'assume et tire fierté, de ce déphasage, c'est mon passé, mon vécu, mes souvenirs, ils m'appartiennent et je ne peux que les chérir.

J'ai donc vécu une enfance assez particulière au niveau musical, je me souviens aussi d'une cassette que j'adorais particulièrement, elle était violette, et n'avait rien de musical.

Elle racontait la vie de Saint Thérèse d'Avila, je l'ai écouté des dizaines et des dizaines de fois, et étrangement, je serais incapable d'en répéter un seul morceau, cela semble avoir totalement disparu dans les méandres de ma mémoire. Je sais juste que j'aimais cette histoire, même si je suis actuellement incapable de parler de cette sainte pour lequel je n'ai aucun souvenir.

Quoi qu'il en soit, je ne suis pas là pour parler de mon passé d'enfant écoutant des histoires de religieuse, regardant les dessins animés de l'Ancien Testament que la paroisse louait dans la ville voisine et que j'aimais beaucoup, ou moi encore, adorant la vieille Vierge de la chambre de mes grands-parents qui était phosphorescente la nuit, et qui malheureusement à dû faire une mauvaise chute il y a quelques années car je l'ai trouvé recollé...

J'espère un jour pouvoir la récupérer un jour, elle m'inspire confiance malgré ma foi inexistante.

La sainte et la putain...

Je voulais donc en venir à Mylène Farmer, et aux souvenirs qui sont profondément enfouis en moi.

J'ai durant des années écouté en boucle les albums que j'avais réussi à enregistrer sur des cassettes audio, média que j'ai toujours préféré aux CDs, qui se rayent bien trop facilement, surtout pour quelqu'un d'aussi peu soigneux que moi.

Ma mère la détestait, je pense d'ailleurs que c'est toujours le cas, elle disait alors d'elle qu'elle "était folle", de la part d'une bipolaire traitée je trouve cela un peu fort... Mais bon passons, je pense que ma mère n'a pas beaucoup apprécié que je préfère suivre Mylène Farmer et les Spice Girls dans mes goûts pour les chaussures et les vêtements, ce qui peut se comprendre, surtout à cet âge.

Ma grand-mère quant à elle, venait comme à son habitude dans ma chambre, sans prévenir ni frapper pour râler que j'écoutais encore "la messe". Certes, il faut reconnaître que certaines mélodies sont des plus mystiques et morbides, et c'est bien cela qui est intéressant!

Malgré le fait que ma famille n'avait absolument pas les mêmes goûts que moi en matière de musique, je persistais à m'enfermer dans ses CDs.

Et, qu'importe les sujets qu'elle abordait et que je n'ai compris que récemment (j'ai fait une longue, très longue pause dans son écoute), je ne pourrais que lui être reconnaissante de m'avoir donné le goût des mots.

J'étais comme transportée par tant de mots inconnus, un vocabulaire qui fleurissait à chacune de ses chansons, je ne les connaissais pas, et nombreux sont sont qui prenaient alors une portée magique, ésotérique.

Je m'armais de mon dictionnaire, des feuilles avec les paroles que j'avais imprimé, et je cherchais un à un ces mots qui m'étaient inconnus.

Je découvrais un vaste champs de connaissances, je découvrais des termes que je n'avais jamais entendu prononcer, les mots "paradoxe", "hymen", "anamorphose" et milles autres encore qui prenaient alors un sens.

Je me faisais un plaisir de les emmagasiner dans ma mémoire, et de les utiliser le plus souvent possible afin de gonfler mon répertoire de beaux mots.

J'en apprenais d'autres que je comprenais qu'il valait mieux mettre de côté, mais au moins j'étais libre de comprendre leur sens et de ne pas me contenter de belle sonorité.

J'apprenais aussi d'autres choses, comme le Chevalier d'Eon, comme Edgar Allan Poe, que je commençais à lire dans un des vieux livres qui encombraient la bibliothèque du salon.

Je ne découvrais que plus tard Beaudelaire... Mais qu'importe, j'avais pris le goût du beau, le goût de la langue française, de sa richesse et de sa volupté.

Je comprenais alors le sens de la force des mots, la manière un peu magique qu'ils ont de nous émouvoir, d'exorciser nos démons en faisant couler les larmes et en laissant un frisson nous parcourir l'échine.

Il y a quelques semaines je me suis mise à écouter à nouveau ces musiques qui m'avaient transcendé dans le passé, celles que j'avais arrêté d'écouter, lasse de subir les moqueries des autres par rapport à mes goûts musicaux...

En écoutant, j'ai au nouveau eu la gorge qui se serrait, le poil qui se dressait, prise de l'intérieur, comme envoûtée.

J'ai compris que ça n'était pas juste un intérêt de l'enfance et de l'adolescence, mais bien que les mots, les phrases que j'avais écouté ad nauseam durant près d'une décennie, en boucle, sans rédemption n'étaient pas sans sens.

A l'inverse, bien trop de mots parlaient pour moi, de nombreuses peurs, de nombreuses souffrances, de nombreuses questions et de si nombreuses douleurs.

Je ne sais si c'est ce qu'elle souhaitait elle même exprimer, mais quoi qu'il en soit, je les comprenais avec ma vision avec mon passé, avec mes craintes et mes erreurs.

Elles étaient, et sont toujours capables de m'arracher une larme, voire un flot de larmes.

Je n'ai plus la capacité de les chanter comme je le faisais avant, d'une voix aussi aigue que la sienne, peut être que le tabac a usé mes cordes vocales, ce qui ne m'étonnerait pas, peut être que je ne sais juste plus comment placer ma voix, quoi qu'il en soit, elle se coupe à présent bien trop souvent et finit en couac ridicule, qui m'attriste d'autant plus...

J'ai passé tant de temps à chanter ses paroles avec ma meilleure amie, nous en connaissions chaque mot par coeur, et je m'aperçois que ceux-ci sont encore restés gravés dans ma mémoire, comme fixés au fer rouge.

Cela m'a attristé lorsqu'elle est revenue de l'autre bout du monde et qu'elle m'a avoué qu'elle n'aimait que pour me faire plaisir, du moins c'est le souvenir qui m'en reste.

Elle n'avait pas eu le même ressenti que moi, les mots lui glissaient dessus, et elle se contentait sans doute de la musique, comme il en a toujours été entre nous. Elle était les sons, et j'étais les mots... Pourtant, elle écrit bien, ça serait mentir que de le nier, une prose bien moins brutale et prétentieuse que moi, une verve moins agressive, un faconde moins haineuse...

Sans doute était-elle moins désenchantée que je ne l'étais, et je ne puis m'exprimer aujourd'hui, car je ne sais qu'elle ce qu'il en est.

Mes ex avaient le même point de vue que Monsieur, ils ne comprenaient pas et n'appréciaient pas.

C'est certains qu'elle reste une icône, sans doute trop populaire, trop mainstream pour être juger correctement par ceux qui ne se sont pas penchés sur la question. Peut être que mon point de vue est tout autant vicié car cela évoque en moi tant de souvenirs...

Je ne dirais pas pourtant que c'est les classiques que j'aime le plus, loin de moi, les sons les plus mélancoliques, les plus étranges sont sans doute ceux qui me parleront le plus, les "Libertines", ne sont pas moi, autant que je ne ressens aucune émotion particulière pour "Sans Contrefaçon"... Laissez moi plutôt avec le vent qui emporte tout, dont le cadavre de Chloé... Les questions sur le sens de la vie, sur le jade que j'aime à porter, et sur les paradoxes de l'eaunanisme.

Je ne sais pas, quoi qu'il en soit, pour plaire aux autres j'ai fini par ne plus écouté, blessée d'être moquée pour mes goûts, et par la logique des choses, pour mes souvenirs et mes ressentis que j'associais obligatoirement à ces musiques.

J'ai longtemps souffert de ne pas me sentir comme tout le monde, me sentir hors du monde, hors de la norme, hors des sentiers battus...

Donc, j'ai essayé de faire des concessions, de me perdre moi même, de donner mon âme au diable pour mieux être accepté, sans pour autant que cela fonctionne.

Au final, nous ne sommes que des êtres différents, et nous ne pourrons jamais plaire à la masse.

J'ai fini par m'y résoudre, et pourtant trop souvent encore, je m'empêche de tourner de la manière que je souhaite juste pour la peur des regards, la peur du jugement, la peur des autres, celle que m'a si bien enseigné ma grand-mère, à son grand démérite.

Ainsi soit je...

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