C'est déjà la deuxième fois que je reçois un message sur mon compte Instagram de gamines de moins de 20 ans, qui s'autorisnte à me juger quant au fait que je porte le bindi, qui jugent cela comme ne m'appartenant pas culturellement et à leur yeux cela semble faire de moi un monstre raciste.

Peut être est il important de préciser que les commentaires ne viennent pas de demoiselles aux origines indiennes mais des filles américaines et européennes, pour la dernière d'une demoiselle venant d'un pays scandinaves, je ne me souviens plus lequel, mais voyez l'idée.

Je porte le bindi depuis très longtemps, et je me suis fait piercer cette zone en 2003, j'avais alors 17 ans, au fil des ans, celui-ci, mal piercé à fait un rejet, j'ai alors après quelques mois d'attente décidé de repiercer mon Troisième Oeil, l'impression de ne plus être moi-même étant trop importante

Bindi, communautarisme et racisme sur Instagram

Enfant, j'allais chez le dentiste dans le quartier de Belleville, chaque mois, la plupart du temps accompagnée de mon Papy, parfois de ma grand-mère ou de ma mère, nous prenions le RER puis le métro pour nous retrouver dans ce quartier populaire de la capitale.

J'avais dans les 6 ans à cette époque.

Je haïssais le dentiste, elle faisait peur et mal, et je dois reconnaître que j'étais devenue complètement phobique de cette spécialité médicale.

Pour me changer les idées, nous nous promenions dans les rues environnantes, rentrions dans les petites échoppes, aux parfums épicés, aux longs cheveux qui pendaient du plafond, aux objets étranges, aux écritures inconnues.

C'est à ce moment, que j'ai commencé à me passionner pour la Chine, j'adorais voir ces symboles, mystiques à mes yeux, rédigés sur à peu près tous les murs, j'étais plus qu'intriguée par ces épiceries aux spécialités assez particulières, et j'achetais avec l'aide de Papy les choses les plus ludiques à mes yeux de gamine: des pâtes transparentes en forme de zig zag (que nous n'avons jamais réussi à faire cuire), des gâteaux au soja (je ne comprenais pas que les petits vers blancs que Mamy mangeait en salade pouvaient devenir de délicieuses crèmes sucrées), etc...

Nous allions au restaurant à l'angle, le Paradis, où je commandais des boissons au longan et au lotus, que j'aimais à m'en damner, parfois nous prenions place au Président, ce restaurant au passé glorieux mais qui montrait bien sa propre décadence.

Nous adorions voir avec ma grand-mère les canards laqués qui pendaient dans les échoppes, les légumes inconnus, etc...

Bref, j'aimais Belleville, et ma passion pour la Chine est née dans ses rues grises et humides de Paris avant de découvrir des années plus tard, le pays d'origine de toutes ces curiosités.

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J'allais 4 fois à Hong Kong, une fois par an pendant deux ou trois semaines, ma ville de coeur, puis, Shanghai, Macao, Suzhou et Guangzhou.

J'allais étudier le chinois et le japonais à l'INALCO, après avoir d'abord tenté l'expérience avec une amie de ma grand-mère, adepte tout autant que moi de la Chine et de ses arts, pour elle, l'acupuncture, qu'elle conciliait avec son travail d'infirmière et d'homéopathe et qui s'était mise à apprendre le chinois (putonghua) avec succès à l'âge de 70 ans.

Bref, j'étais curieuse, je voulais tout voir, tout comprendre, tout connaître, en me baladant dans les échoppes je tombais sur des autocollants la plupart du temps rouge, percés de motifs d'arabesques, dont je ne comprenais pas l'utilité mais que je trouvais beaux, et un peu ensorcelants, il s'avère que ça n'est que les pochoirs pour henné.

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Je voyais aussi ces petites planches d'autocollants de diverses couleurs, avec des points d'or, des boules de fils de métal coloré, aux formes serpentines, de gouttes ou que sais-je encore.

Ces planches n'étaient pas chères, et l'on me concilia d'en prendre, je les aimais profondément, voyais comme une magie dans ces petits morceaux de velours noirs et brillants, et je commençais à en porter régulièrement.

A l'époque, je ne faisais sans doute pas la différence entre les différentes cultures et l'origine des choses qui me subjuguaient, j'imaginais peut être que cela était aussi chinois, je ne sais pas.

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Puis, des années plus tard, alors que je continuais à poursuivre mes séances de tortures chez la dentiste, Madonna revenait sur le devant de la scène toute de noir vêtue, des motifs de mehndi couvrant ses mains, ses pieds, et autres ornements très esthétiques, la mode des 90's était là.

Je devais avoir 11 ou 12 ans à l'époque.

Je sais que je parle régulièrement de Madonna, pourtant je n'ai aucun intérêt particulier pour elle, désolée pour les fans

Plus tard encore, après avoir découvert qu'il était possible de se faire piercer cette zone, je sautais sur l'occasion, pour avoir définitivement cela dans mes chairs.

2004

2004

Au fil des années, de nombreuses personnes sont venues me parler de mon piercing, des personnes d'origines indiennes, pakistanaises, etc... Le couple d'épiciers qui travaillent rue de Belleville, près de là où je vivais durant un temps, avec qui nous avions crée des liens, et dont la femme appréciait cette référence à sa culture, un serveur indien, dans un restaurant vietnamien à Hong Kong (où je sais c'est un peu étrange), un photographe indien avec qui j'ai travaillé à deux reprises, et un groupe d'hommes indiens avec qui je discutais un soir dans la rue à Filles du Calvaire, et qui s'empressaient de m'expliquer les significations des couleurs du bindi dans leur pays d'origine, de même qu'une de mes maquilleuses dont les grands-parents étaient indiens. Je peux aussi ajouter à cela la liste des quelques restaurants indo-pakistanais que j'ai régulièrement fréquenté.

Depuis 11 ans que j'ai ce piercing, je n'ai jamais eu de réactions négatives de la part des personnes originaires de cette partie du monde, au contraire, étrangement, ceux-ci semblaient toujours plutôt heureux de cette marque culturelle que je portais et les rapports étaient des plus cordiaux.

Je n'ai jamais senti de jugements négatifs de leur part, JAMAIS, et une petite nordiste vient me faire la morale quant à mon comportement?

Je n'ai pas fait mon piercing pour m'attirer les foudres ou les sympathies des personnes d'origines indo-pakistanaises. Mon corps est mien, le Troisième Oeil n'est pas apanage exclusif de la culture indienne, beaucoup de lettrés, d'ésotéristes, de savants se sont penchés sur ce point particulier du corps.

Il est même possible de trouver des écrits de Descartes sur le sujet, parlant alors de la glande piénale, et ses particularités biologiques.

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Le taoïsme, le bouddhisme, la pratique de la méditation s'intéressent aussi de près à cette zone particulière.

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Il est même possible d'en trouver des représentation dans la Grèce Antique.

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Certaines lectures et version de la Bible peuvent être lues de manière à parler de ce Troisième Oeil.

La médecine chinoise, l'acupuncture (point yintang), parle de ce point comme étant si je ne m'abuse comme étant un point essentiel du corps représentant la jeunesse.

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Moi-même, j'ai toujours eu la sensation qu'il y avait quelque chose de particulier avec cette partie du corps. En collant mon front à celui de quelqu'un en train de dormir, j'ai toujours eu comme des sortes de légères décharges électriques, une sensation étrange que je ne saurais expliquer.


Le Troisième Oeil est aussi considéré comme le troisième regard, celui de la connaissance de soi. Et je pense, que cette notion est des plus importantes, peut être plus pour moi que pour vous, je ne sais pas.

Ce bindi, me rappelle en permanence que je ne dois pas m'oublier, que je dois apprendre à me connaître, ne pas changer pour devenir quelqu'un d'autre pour plaire à autrui, une chose que j'ai toujours eu beaucoup de mal à appliquer.

Une chose que je me dois de lier à cette phrase qu'un de mes amis d'origine chinoise m'a écrit un jour:

"Bouddha nous dit qu'un autre n'est pas nous même, et que nous seul pouvons faire l'expérience d'apprendre telle chose par le geste, qu'importe toutes les explications tant que l'on en a pas fait l'expérience on ne peut comprendre".


Je suis sidérée, choquée et attristée de voir qu'au jour d'aujourd'hui le communautarisme grandit au point que certains pensent que l'utilisation de symboles liés à telle ou telle culture signifie que c'est une appropriation des Blancs, une sorte de nouveau colonialisme.

Respecter les cultures, tenter de les comprendre, de m'en imprégner à toujours été mon credo.

Certaines cultures et pays m'attirent certes plus que d'autres, mais il n'en reste pas moins que toutes on des choses à nous apprendre.

J'ai comme la sensation que ces messages que j'ai reçu sur mon Instagram, et que d'autres ont reçu, auraient pour but de nous bloquer chacun dans les traditions et les cultures de nos pays d'origine, empêchant ainsi la curiosité, la découverte de l'autre et de ses spécificités.

Qu'est ce que cela voudrait donc dire? Que malgré les conseils voire les ordres des médecins, je devrais m'abstenir de faire du Yoga car n'étant pas moi même indienne je ne devrais pas y avoir accès? Devrais-je m'abstenir de faire du Qi Gong, du Tai Chi, de l'acupuncture, car cela appartient au peuple chinois, et que je leur volerais donc une partie de leur histoire et de leur culture?

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Dois-je donc m'empêcher si l'envie me prenait, de faire du sauna, ou du hammam? De cuisiner des plats mexicains (je pense qu'au final nous mangeons plus souvent mexicain que français à la maison, malgré la difficulté à trouver les recettes et les ingrédients ici), d'apprendre une langue étrangère car celle-ci n'est pas celle de ma culture?


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Je n'associe pas le bindi et l'Inde particulièrement, ce qui m'intéresse par dessus tout dans cette zone du corps est son côté ésotérique, et non pas les significations du statut marital, de l'âge, etc...


J'apprécierais que les gens apprennent à connaître l'autre avant de juger ses intentions que celles-ci soit bonnes ou mauvaises, d'essayer de comprendre le pourquoi du comment.

S'ouvrir au monde, aux autres cultures, comprendre le monde qui nous entoure n'est pas une appropriation néo-coloniale comme certains aiment à le penser, cela peut aussi être une marque de respect, un signe d'intérêt, cela peut aussi revêtir des significations personnelles toutes autres, qui ne se réfèrent en rien avec ce que cela paraît.

Sinon, en France, en partant de ce principe que devrions nous dire à tous les étrangers qui viennent avec des tenues occidentales n'étant pas en lien avec leurs cultures d'origine? Devrions-nous forcer les indiennes à ne porter que Sarees, les chinoises à ne porter que le cheongsam? Cela est ridicule!

S'approprier un élément étranger, n'est pas forcément lui manquer de respect...

XXX

Venus

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