Voici la suite de mon petit projet d'interviews pour montrer l'autre côté de l'activité de modèle, je suis toujours intéressée pour avoir le maximum de témoignages, si cela vous intéresse, je vous propose de suivre ce lien pour en savoir plus et me contacter.

Bonne lecture

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VenusXIII

Petit projet d'interviews - Les vaticinations de Vénus

http://venuskitchen.over-blog.com/2014/10/petit-projet-d-interview.html

Bonjour Enthea, pourrais-tu te présenter ?

Bonjour. J'ai 24 ans, je suis tailleur de pierre de formation (et de cœur) mais après un parcours personnel et professionnel compliqué, je suis désormais en création d'entreprise dans un tout autre domaine. Je me suis mariée en juillet dernier, et suis modèle depuis mes 18 ans.

Quel a été le cheminement qui t'a mené à devenir modèle et quel a été ton parcours dans ce domaine (freelance, agence, amateur, pro,...) ?

Depuis mes 15 ans j'étais passionnée de photos. Mais à cette époque, j'étais train de sortir de l'anorexie, et dégoûtée par tout ce qui pouvait représenter le corps humain. Pour moi, un être humain sur une photo, c'était simplement gâcher la photo. C'était répugnant. A mes 18 ans, je m'amusais à faire quelques selfies peu rigolos/sexy (he oui.... j'avoue) pour mon ex conjoint qui était alors en prison en semi liberté. Alors que j'en postais un sur internet, je me suis faite contacter par un photographe de Paris (j'étais alors à 300km de là) qui m'a dit « viens poser pour moi ! »(je n'avais aucun photographe dans mes contact et aucune idée de la manière dont fonctionne ce milieu!... C'était étrange !) . Je ne l'aurais pas fait si je n'avais pas connu une très bonne amie à moi (modèle depuis ses 15 ans) qui me l'a recommandé et qui m'a accompagné sur mon premier shooting. C'était un shooting de nu. Pas imposé, mais proposé. J'ai très vite accroché avec le côté créatif et réconciliation avec son corps. (Même si je ne pense pas pouvoir dire que je suis vraiment à l'aise avec moi même, la photo est une très bonne thérapie. Pas une thérapie de l'égo, mais plutôt pour vaincre ses peurs, s'affronter soi même, apprendre à s'assumer, à se connaître, mettre une distance entre le jugement des autres et ce que l'on ressens.) J'ai beaucoup évolué depuis ce temps, je n'avais ni les mêmes buts ni les mêmes moyens de m'affirmer. Mais même si c'est un milieu « délicat », il est important de savoir affirmer solidement ses limites dès le début. On ne se fera pas que des amis, mais on peut éviter ainsi beaucoup de mauvaises rencontres. Ah oui, et on ne le dit jamais assez : Une modèle photo ce n'est pas (ou très rarement) une nana qui s'adore et ne jure que par elle. C'est du combat, de la créativité, du travail sur soi, et tellement d'autres choses que de l'amour-propre.

Quelles étaient tes limites lorsque tu as débuté dans ce milieu (lingerie, topless, nu,...) et ont-elles changé au fil du temps ? Si oui, pourquoi ?

J'ai commencé directement par le nu je dirais «par hasard », parce que l'on m'a proposé et que je suis curieuse. Mais c'est aussi parce que je me sentais en confiance aux côtés d'une amie, et que j'avais déjà un passif violent avec mon corps via l'anorexie. Ma pudeur et ma fragilité se situent dans mes émotions et non dans le rapport avec mon corps. Rien n'a réellement changé à ce niveau au fil du temps si ce n'est que malheureusement être « modèle de nu » bloque pour beaucoup d'autres projets. Beaucoup de photographes contactent une fille qui fait du nu parce qu'ils la sentent plus ouverte, plus libre. Il ne faut pas tout confondre non plus. Je suis à l'aise dans la nudité et dans mes projets photographique, mais j'aime la photo en générale, et pas uniquement le nu. Il y a aussi le côté « pseudo libertin » de la fille qui fait beaucoup de nu : Pas du tout. Je suis mariée, et tout ce qui se passe dans mes shootings reste dans le respect de mon époux, qui me soutien dans ma passion parce qu'il sait que cette condition est là (et les choses se passaient ainsi aussi même lorsque que j'étais célibataire!) . Être la fille qui fait du nu, ce n'est pas être la fille qui écarte ses cuisses au tout venant. Pour répondre plus clairement, je n'ai pas cessé de faire du nu parce que j'aime ça, mais j'ai appris à trier mes projets plus consciencieusement, c'est une chose importante si l'on veut continuer à être modèle et à gérer la pression sans trop en pâtir.

Pourquoi as-tu accepté de faire du nu ? Quelle était ta motivation pour te dévoiler face à l'objectif, au photographe mais aussi à la vue du public en général?)

En fait, je n'ai jamais envisagé l'hypothèse de refuser de faire du nu. Je n'ai jamais eu de soucis avec la pudeur « physique », bien que je respecte entièrement celle des autres. Maintenant, si je refuse ou mets des bémols sur des projets de nu, c'est pour plein de raisons. Il y a beaucoup de demandes, on ne peut pas accéder à toutes les demandes, et beaucoup de mauvaise rencontres à éviter. Et les mauvaises rencontres ne sont pas celles que l'on croit. Mais cette explication viendra aux prochaines questions. Je prends le « problème » à l'envers : pourquoi n'aurais-je pas la motivation de faire du nu ? Ça ne me dérange pas du tout, j'aime ça, et je crois que c'est une façon de se forcer à assumer. Faire du nu c'est recevoir plein d'éloges plus ou moins méritées, mais c'est aussi recevoir plein de critiques. C'est loin d'être une chose facile, mais ça renforce le caractère et ça permet d'être plus « droite dans ses bottes ». Je respecte entièrement celle qui préfèrent protéger leur pudeur physique, mais je ne supporte pas que l'on puisse se permettre des familiarités improbables avec celles qui font du nu sous prétexte que l'on peut voir leurs seins sur internet. Ce n'est pas un bout de tissu qui rend une fille plus respectable qu'une autre. Soyez des hommes, apprenez à ranger votre pénis dans un coin et vous tenir et à parler convenablement. Et puis, entre toutes ces choses complexes il y a celle qui tombe sous le sens : le côté artistique. Je suis attirée par la beauté de la femme, bien qu'hétérosexuelle. Mes modèles quand je « travaille » en tant que photographe sont majoritairement des filles. Je suis plus sensible à leur esthétique, au corps féminin, même si pour l'instant je n'ai fait que très peu de nu en tant que photographe. Je fais aussi du nu dans le cadre de l'exposition/prévention sur l'anorexie que je monte et présenterai en septembre prochain. Les modèles qui poseront seront dans une mise à nue physique et psychologique qui me paraît importante dans la démarche. (Même s'il y aura du nu caché!).

J'imagine à la vue de ma propre expérience, et de l'époque dans laquelle nous vivons que tu devais avoir des books onlines. Par quel média te contactait-on le plus souvent ?

Par book.fr ou par facebok le plus souvent (mon premier shoot était via ce média). J'avais créé un facebook pour mes amis. C'est finalement devenu un énorme réseau photographique par hasard, et j'en suis ravie. Tous les matins je prends mon thé devant de nouvelles et belles réalisations photographiques de mes contacts, et c'est un plaisir. J'ai aussi gardé et trouvé contact avec des personnes formidables par ce réseaux, et sans doute aussi évité pas mal de mauvaises rencontres. Il ne faut pas écouter tous les « on dit » aveuglément, mais il faut savoir se renseigner, quand on bosse en tant que modèle.

Interview Enthea: "Je réalise des images, pas des fantasmes sexuels"

Travaillais-tu de manière rémunérée ou en « Poses contre photo ? »

Les deux. J'ai d'abord travaillé en pose contre photo, je ne savais pas trop où je mettais les pieds, ni si que ça allait devenir une véritable passion. Puis je me suis rendue compte que c'était quelque chose que je ne lâcherai pas, que j'aimais, mais j'avais beaucoup de demandes (de nus principalement, évidemment) que je ne pouvais satisfaire. Parce que je manquais de temps à consacrer à des shooting qui n'apporteraient rien à mon book. Quand j'ai considéré que j'étais une modèle assez expérimentée (c'est à dire qui sait gérer son corps, un shoot de A à Z sans directive, qui connaît les bases de la photographie et du modelling, qui amène ses idées, ses accessoires, et qui sait s'adapter à la clientèle, à l'environnement, à la demande) j'ai travaillé en shooting rémunérés sur des projets dans lesquels je me suis donnée à fond et qui étaient des beaux projets, mais que je n'aurais pas pris « le temps » de faire si il n'y avait pas eu la compensation financière du temps derrière. Rémunérés ou non, mes shooting sont toujours sélectionnés avec soin. Je suis en train de monter mon auto entreprise qui comprendra des services de modelling, un studio photo équipé et plein de choses sympas pour permettre aux modèles qui veulent se lancer et photographes débutants de se rencontrer et de commencer en sécurité.

En ce qui concerne tes shootings, te présentais-tu seule, accompagnée, etc ?

Je me suis presque toujours présentée seule, après mon premier shooting. Parfois, dans les premiers mois, quand je ne le sentais pas trop, je n'hésitais pas à demander à mon conjoint où à un ami d'attendre pas loin ou de venir à côté sous condition de rester extrêmement discret. Et je conseille à toutes les filles qui veulent débuter de procéder ainsi. Et aussi de ne pas hésiter à demander à d'autres modèles ce qu'elles ont vécu. Même si beaucoup de modèles se tirent dans les pattes, et qu'il y a beaucoup d'embrouilles (qu'il vaut mieux ignorer) dans le monde de la photo, je pense qu'à ce niveau il y a quand même une solidarité féminine importante.

As-tu déjà reçu des propositions dérangeantes, dégradantes ou avilissantes lors de ces premiers échanges avec les photographes ?

« Dérangeantes» sans doute. Et aussi pleines de manque de respect (tutoiement (banal), lettres d'insultes (surprenant), et harcèlement (un peu plus relou) suite à des refus de ma part « Non je ne veux pas poser ni pour toi, ni en duo avec toi. Non, poser nue ne me rend pas esclave des demandes que l'on me fait. Bisous ».). Je suis très ouverte d'esprit, je considère que tout le monde à le droit de poser une question, de proposer quelque chose. La plupart, c'était parce que ça les faisait fantasmer. Ce qui est dommage, c'est que beaucoup confondent fantasme et photographie. Je suis modèle photo, pas escort. Je réalise des images, pas des fantasmes sexuels, même si je fais du nu et que j'aime l'érotisme.

Pourrais-tu me décrire un « shooting-type » pour avoir une idée un peu plus précise de ton activité ?

Généralement je passe du temps à discuter avec la personnes avant de travailler avec elle. Ça peut aller de quelques semaines à quelques années, si on a pas l'occasion de se revoir avant. Une fois que l'on a défini le lieu, le type de shoot (collaboration ? Rémunération ? Mode ? Nu?) il m'arrive de prévoir tout un bazar et des croquis pour réaliser une image très précises que j'ai en tête, mais d'une manière générale, une fois que l'on a défini le sens global du shooting, on y va au feeling. Avec moi on a jamais le temps de faire toutes les idées qui me passent par la tête, donc je n'ai jamais peur de tomber « en panne ». Et ne pas être trop rigide sur les photos à réaliser permets de s'adapter au mieux à travailler avec la personne en face. Un premier shoot est un gros travail social en plus d'être un travail artistique.

T'es-tu déjà retrouvée dans une situation qui t'a mise mal à l'aise, où tu t'es sentie en danger ou bien as-tu réellement vécue une expérience traumatisante lors de ton parcours ?

Je n'ai rien vécu de réellement traumatisant car j'ai eu la chance de toujours accepter d'être accompagnée quand je ne le sentais pas. J'insiste sur ce point. Après quelques années dans la photo, on repère les plans qui craignent à des kilomètres. Mais quand on veut débuter dans la photo, il faut passer par des ami(e)s qui seront présents, par des modèles pour nous conseiller. Une des situations qui m'a mis très mal à l'aise était lors d'une collaboration de nu, en forêt. J'avais fait confiance au photographe, nous étions parti seulement tous les deux à 30 km de chez moi dans un endroit que je ne connaissait pas. Tout s'est très bien déroulé, j'étais debout, nue, en train de lui montrer le prochain endroit que je verrais bien en photo, jusqu'au moment où il passe dans mon dos pour me faire, par surprise, un bisous dans le cou. … Dans le cou ?! De dos. Par surprise ! Il n'y a que moi que ça choque ?! Je me suis énervée, on s'est expliqué. Mais ce n'est pas un acte anodin. (J'ai aussi eu droit, de la part d'un autre, et devant mon conjoint de l'époque : « Je vais te mettre de l'huile sur le corps, ça sera plus joli. Tiens, tourne toi je vais te masser avec ». => Ça, c'est Non. On range ses mains et son pénis, on a dit) Mon expérience n'est rien par rapport à des modèles que j'ai connus qui sont parfois rentrées en larmes et traumatisées de leur premiers shooting photo, qui n'ont même pas voulu parler de ce qu'il s'était passé. Je n'ai rien d'horrible à vous raconter, mais je peux par contre vous raconter qu'il peut arriver des choses horribles à celles qui ne font pas attention. Prenez soin de vous. Et ayez le courage de dire que vous n'avez pas confiance. C'est un droit, et c'est légitime. Il y aura toujours des bonnes personnes pour vous soutenir et vous conseiller. (Et je voulais en venir à un point très important aussi : Les filles, ce n'est pas parce qu'un photographe est très connu et qu'il fait du bon boulot, que vous ne risquez rien. Et croyez-en mon expérience : bien loin de là !)

Interview Enthea: "Je réalise des images, pas des fantasmes sexuels"

Pourquoi as-tu décidé de poursuivre/ d'arrêter la photographie ?

Bon je vais faire bref parce que je crois que j'ai déjà beaucoup parlé : Je continue la photographie car c'est une passion. Comme le sont mes autres passions. Je vie pour ce que j'aime, et la photo en fait parti. Il y a beaucoup de contre-partie à accepter, surtout quand on fait de la photo de nu, il faut de la force, mais... Disons que l'amour de l'art l'emporte. Et j'ai la chance d'être bien soutenue par mon mari, c'est un point positif indéniable !

Ta vision du monde de la photographie de modèle a t'elle évolué depuis que tu le fréquentes de l'intérieur ?

Entièrement ! En bien et en mal à la fois. Je ne pensais pas que c'était un milieu où l'on se tirait à ce point dans les pattes, et où l'on pouvait autant se mettre en danger physiquement et psychologiquement. Mais je ne pensais pas non plus qu'il était aussi riche en émotion, en rencontres humaines.

Cette expérience comme modèle a-t-elle eu une incidence sur ta vie quotidienne ?

Entièrement aussi. Je suis sans doute « la fille à poil » pour ceux qui ne me connaissent pas. Au boulot, les photos de mon book, bien que j'ai tenue mon pseudonyme secret, ont vite circulées. Tant pis/tant mieux pour eux. Je suis ce que je suis et ça ne m'empêche pas d'accomplir un très bon travail. Prochainement je serai à mon compte, ça ne sera pas forcément plus simple, il faut du caractère et de la patience (que je n'ai pas forcément) pour supporter les commentaires déplacés sans avoir, parfois, envie de se dire « un bon coup de boule vaut mieux qu'un long discours ».

Selon toi, comment sont perçues les modèles photo que cela soit par le public en général, par les photographes et même par les proches et la famille ?

Les modèle photo de mode/lingerie ? Sans doute bien mieux que photo de nu. En photo de nu, entre ceux qui s'inquiètent de ce qui peut nous arriver (à juste titre), ceux qui trouvent ça dégradant (et pourtant ce n'est pas leur problème) ceux qui sont mal à l'aise avec le côté (souvent imaginaire) à connotation sexuelle du nu... On est pas rendu, pour être bien vu ! Et même entre nous ça se tire dans les pattes. L'avantage d'avoir un sale caractère, c'est que finalement les gens apprennent à s'intéresser à notre caractère plutôt qu'a notre démarche artistique (souvent) incomprise. On devient une personne, et pas seulement une paire de fesses.

Enfin, quels sont les conseils que tu aimerais donner aux demoiselles qui décident de se lancer dans cette activité ?

Écoutez vous. Si vous avez envie, faites le. Si vous n'avez pas envie, ne le faites pas. Personne d'autre ne doit faire ces choix à votre place. Personne, pas même votre petit ami. Mais renseignez vous bien sur les personnes avec lesquelles vous envisagez de travailler. Et gardez votre caractère. Être modèle c'est savoir s'adapter, ce n'est pas du tout dire oui à tout ! Se respecter, ce n'est pas être habillée ou nue. Se respecter c'est dire non quand on a pas envie. Ou quand on est pas sûre. Faites vous soutenir par des gens qui vous comprennent et qui connaissent le milieu. Et tracez votre route, amusez vous !;) Ah, et une dernière chose : Vous allez recevoir plein de compliments. Parfois aussi plein d'insultes. Prenez du recul par rapport à tout ça. Énormément de recul. Ça ne doit pas vous empêcher de vivre ce que vous aimez.

Interview Enthea: "Je réalise des images, pas des fantasmes sexuels"
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