Nous sommes des êtres rongés de douleur, des êtres qui enfantent des démons, des créatures de nos propres esprits.

Nous naissons pour souffrir, nous vivons en souffrant et le plus souvent nous mourrons dans la souffrance.

La douleur n'est pas uniquement le propre de l'Homme, mais des espèces vivantes, la seule différence est notre manière de la communiquer, de la partager.

Nos passés nous ont créé, avec leurs joies et leurs pleurs, leurs expériences positives tout autant que négatives, nous ne pouvons renier ce que nous sommes à ce jour, nous ne pouvons renier ce qui nous a construit.

Qu'importe les chemins tapissés de lames de rasoir que nous avons dû franchir nus pieds, qu'importe les cicatrices qui nous mutilent le corps et l'âme, nous sommes la suite de ce que nous avons été.

J'ai sans doute vécu beaucoup trop de choses pour une si courte vie, trop d'expériences malheureuses, trop de choses subies, trop d'erreurs commises par mes propres choix. Aujourd'hui, j'en paye le prix fort, je souffre, car mon corps me demande de stopper cette fulgurante descente que je ne sais ralentir.

Ma vie est sans doute sur de nombreux aspects bien plus agréable qu'il y a quelques années, enfermée dans une tour d'ivoire, ne voyant du jour que quelques heures ou bien même quelques rayons naissants ou se couchants, des jours, des semaines, des mois à tourner en rond dans une pièce nue. Les insomnies étaient encore plus présentes qu'aujourd'hui, et durant les longues nuits d'hiver, je me couchais à l'aube pour me réveiller au lever de la lune.

Combattre les ombres du passé

Des années de vie gâchées pour un manque de courage, pour une culpabilité que je n'avais pas à avoir, des années prisonnière d'un homme qui m'aimait mais que je n'aimais pas, des années passées à me forcer à rester à ses côtés, pour une raison qui m'échappe à moi-même.

Des années prostrée, la peur d'un changement, la peur de fuir ce qui était mon quotidien, la peur de blesser, alors que chaque minute me blessait un peu plus.

Chacune de ces minutes je mourrais à petits feux, chaque minute je me noyais dans mes pensées, dans des rêveries cauchemardesques, chaque minute je rêvais de partir de fuir son emprise, de laisser derrière moi cet homme dont l'amour me tuait.

Chaque jour je voyais ma jeunesse qui fuyait, mes plus belles années ruinées, par ma couardise, des années passées à subir ses déclarations enflammées, mais tout autant ses agressions verbales, sa peur de me voir partir qui transparaissait dans ses paroles la nuit comme le jour.

Ses insinuations permanentes sur ma fidélité, parfois fondées, parfois non...

Mon besoin de le fuir, cette amitié originelle qui était devenue pour lui amour brûlant et haine viscérale pour moi.

Combattre les ombres du passé

Jamais, je n'ai reçu de coups, sans doute en a t-il pris plus que moi, mes excès de rage, ce dégoût, sa main sur mon épaule qui me donnait la nausée, mes crises de haine et de rage, cette violence que je contenais trop longtemps et qui finissait par exploser.

Mais les violences verbales et les humiliations dans le cadre privé sont sans doute aussi dangereuse pour la santé mentale, pour l'amour-propre et la confiance que les coups physiques (même si je peux aussi témoigner de cela, mais dans un autre cadre).

La perte des repères, la solitude dans laquelle je m'étais enfermée, avec et sans son aide. Ma meilleure amie dont il espérait qu'elle "se noie dans la Seine", après m'avoir poussé dans les bras d'un autre, mon ex et à l'époque amant qui me disait qu'il me voyait mourir, qu'un jour il me trouverait morte "non pas physiquement, mais psychologiquement"...

J'étais devenue l'ombre de moi-même.

Chacun de mes goûts, de mes choix, était remis en question, critiqué, renié, ou à l'inverse complètement approprié par cet homme, une manière de me contrôler.

Aimer les mêmes choses que moi, était nous transformer en créature bicéphale, inséparable, nous nous devions d'aimer les mêmes choses, sous peine que je m'éloigne de lui.

Mes tenues qui au début ne lui posaient pas le moindre problème finirent par le mettre mal à l'aise par rapport aux regards que l'on me jetait dans les rues. J'abandonnais les vêtements trop courts, et mon excès d'exubérance à travers laquelle je me sentais vivre.

Il m'aimait, je ne peux le nier, il m'adorait, je ne l'ai que trop bien compris, j'étais une sorte de déesse mystique à ses yeux, il aurait fait n'importe quoi pour moi, n'importe quoi pour me garder principalement.

Chacune de mes fuites, qu'elles soient sur le territoire ou à l'étranger étaient punies par des menaces de suicide, de grèves de la faim, des apitoiements permanents sur le "comment vivre sans toi"? Des lettres sans fin, des lettres où l'eau de rose dissimulait les lettres d'acide.

Combattre les ombres du passé

J'ai passé plus de six années avant de le fuir, avant de m'échapper de cette prison.

Six années à jouer le parfait couple aux yeux de tous, des années à avoir la sensation de me prostituer à chacun de ses baisers, à me sentir mourir lentement, mais sûrement.

J'ai passé de longues années seule, ayant de moins en moins d'amis, m'étant éloignée d'eux sans que je me rende compte de cela, lorsque les choses se font progressivement, on ne voit rien.

J'ai habité longtemps chez son père, avec frère et belle-soeur. J'étais dans son monde, entièrement.

Lorsqu'aujourd'hui je retrouve par hasard d'anciens mails ou d'anciennes missives, je comprend que j'ai eu tant de mal à fuir: sa fragilité, celle qu'il m'exposait à outrance, celle qui m'empêchait d'être forte et de lui dire non, de prendre ses affaires et de les mettre sur le palier de MON appartement, celui que j'avais acquis avec l'héritage de mon père, MON appartement, qui a force de manipulations basées sur le "et je fais quoi moi si tu pars avec un autre mec?", et moi trop idiote, peut être aussi trop jeune (19 ans), qui ai accepté qu'il soit copropriétaire à 50% de ce maudit appartement, et dont je n'ai toujours pas réussis à modifier la situation près de dix ans plus tard.

Quatre années après cette rupture, cette période de plus de six mois où il refusait de quitter l'appartement, où sachant que je l'avais trompé, dans le but qu'il parte de lui même, où il refusait de me quitter... Tous ces mois passés à combattre ses invitations, ses tentatives de réconciliations, tous ces mois où je pleurais, prostrée, neurasthénique, incapable de voir une issue à cette situation dont je n'arrivais pas à m'extirper.

Et aujourd'hui, je panse toujours mes plaies, celles qu'il m'a faite, celles qu'il a ajouté aux nombreuses qui me parcouraient déjà mon être dans son entièreté. Aujourd'hui encore, je me sens incapable de vivre pour moi, sans le consentement des autres, sans que je n'ai peur d'un jugement et de remarques perpétuelles sur le moindre de mes faits et gestes.

Je revis, cela est certain, ma vie n'a plus rien de comparable à celle qui était mienne de 2004 à 2010, je ne peux le nier, mais les plaies sont encore béantes. J'ai toujours la sensation que je ne peux voir mes amis de sexe masculin sans risqué de me faire insulter, d'être comparée à une pute, à une traînée, alors que ça n'est pourtant aucunement le cas.

En fait, il ne voulait en rien une Venus de chair et d'os dotée de sentiments, et de pensées, mais la Venus de Milo, amputée, de marbre, un objet de décoration que l'on pouvait sortir, présenter avec fierté pour son apparence et sa capacité à tenir des discussion.

Un objet de soumission,de désir, un objet que l'on peut transporter et manipuler à sa guise, sans tenir compte que la poupée peut un jour se briser...

Combattre les ombres du passé
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